Sur Oblivion

Encore une fois, ce rêve... toujours le même.
L'Amérique impérialiste, obèse, boulimique en ressources naturelles, se rêve encore  comme ce qu'elle fut peut-être autrefois, un pays de colons aspirant simplement à la liberté, à l'indépendance.
Le fantasme constitutif de l'Amérique, une vie simple et rude dans une nature trop vaste pour qu'on pense seulement à la dompter.
Le sentiment de créature de Rudolf Otto, qui sied si bien au protestantisme américain tel qu'il s'imagine encore.
L'Amérique en lutte permanente contre elle-même, contre ce qu'elle est devenue...
"The Empire never ended" écrit en litanie un K. Dick halluciné à la fin de sa vie... L'Amérique comme une nouvelle Rome.
And how can man die better,
Than facing fearful odds,
For the ashes of his fathers,
And the temples of his gods?
Un renversement de valeurs d'où nait l'opposition entre passé et présent.
L'Amérique d'aujourd'hui se hait... se projette en des hordes d'aliens envahisseurs, pilleurs de ressources à la supériorité technologique indiscutable, écrasante... Pour mieux se combattre elle-même, à travers les souvenirs vitrifiés de ses mythes fondateurs. Afin de lutter contre ce moi-oppresseur, mieux armé mais moins vertueux, on convoque ces vieilles figures, vestiges d'une autre Amérique muséifiée... ici des vieux disques, une casquette de Yankees, une paire de lunette de soleil trônent dans une cabane de trappeur, au bord d'un lac isolé. L'écrin parfait de l'Amérique authentique, même si entièrement factice et reconstituée. On pense toujours à Umberto Ecco et à ses descriptions amoureuses des musées de pacotilles qui reconstituent La Cène avec des figures de cires "à l'échelle".

Une seule fin, toujours la même, le sacrifice qui précède la renaissance.
Le Mythe de l'éternel retour, ici, à l'instanciation déstabilisante de littéralité... pathétique, débile ; Tom Cruise se sacrifie dans un vaisseau extraterrestre, succédané trop figuratif, trop explicite de l'esthétique de 2001...
... Pour renaitre à travers un autre clone que sa compagne accepte sans sourciller, là où l'enfant née de leur union semblait toute désignée dans le rôle du réceptacle de la réincarnation du héros.
Ce n'est même pas que la fillette ne soit pas assez bien pour incarner l'image du grand Tom, c'est juste que la figure de style n'est pas assez pré-mâchée, pré-digérée. Le public doit désormais être nourri à la becquée avec ces films hyper-lisibles. Et c'est Tom Cruise, désormais père idéal, qui s'en charge.
America.