L'Attaque du Métro 123

- Êtes-vous des terroristes ?

-C'est ton impression ?
Je te terrorise ?

- Pas vraiment.
Mais j'ai jamais parlé à un terroriste.
C'est qu'une question d'argent ?

- Y a plus important ?

Pas franchement réussi, L'Attaque du Métro 123 de Tony Scott a surtout la particularité de proposer un point de vue en rupture avec le cinéma américain post-11 septembre.
Pratiquement complètement épurée de ce traumatisme collectif, la trame du film n'oublie néanmoins pas d'y faire allusion, ainsi le cadre new-yorkais et la prise d'otage sont des réminiscences claires de cet évènement, mais ce n'est cette fois-ci plus pour perpétuer ce qui fût le principale moteur dramatique et narratif du cinéma américain de ces dix dernières années mais, par un effet de comparaison sûrement discutable, pour mieux montrer du doigt "les nouveaux terroristes".

Il n'y a plus aucune gravité dans le rapport au 11 septembre, notamment avec le maire, caricature cynique et désabusée de l'homme politique :
- J'ai laissé mon costume de Rudy Giulani chez moi
Plus aucune mélancolie dans les plans des grattes-ciels new-yorkais, amputés de leurs deux tours ; filmés nerveusement lors du générique de début, puis lors d'une scène en hélicoptère :
- C'est sympa vu d'ici, hein ? ... On voit pourquoi on se bat
Cette dernière phrase résume à elle seule l'impression que veut donner le film ... que les deux tours, si elles restent un repère invisible de par leur absence, n'ont plus maintenant la même place dans les préoccupations quotidiennes. La plaie est cicatrisée.
A la fin, après le dénouement, Tony Scott filme ces mêmes buildings, mais cette fois-ci dépouillée de ses effets clipesques habituels, de manière sereine et sans faire transparaitre d'autres sentiments qu'un simple retour à la normale.

D'un soucis l'autre donc ... Dans ce contexte de crise financière mondiale, il semblerait que ce soit désormais les marchés financiers et leurs tenanciers qui remplacent les terroristes islamistes au hit-parade des préoccupations populaires.

Le preneur d'otage (John Travolta) est un ancien trader pour qui la rançon exigée de dix millions de dollars n'est qu'un leurre, le véritable hold-up s'effectuant à travers les positions prises par anticipation aux réactions négatives du marché à la prise d'otage ... à la fin du film, on voit fugitivement apparaître la somme de trois cent millions de dollars sur son ordinateur.
Face à lui, un employé du métro new-yorkais (Denzel Washington) en plein procès pour avoir accepté trente cinq mille dollars de pots-de-vin pour financer les études de ses deux enfants.
C'est par cette quantification que le film nous montre le gouffre qui sépare les deux personnages, exprimant l'incompréhension d'une population face aux chiffres vertigineux qu'elle peut docilement voir défiler tous les jours dans les médias.

Duel dans le Pacifique, Enemy

Wolfgang Petersen a finalement un peu à voir avec John Boorman ; leurs filmographies, toutes deux éclectiques, offrent une rare richesse quant aux genres abordés, tout en conservant toujours une certaine cohérence ... une ligne directrice dont ils s'écartent parfois pour mieux y revenir plus tard.

Ainsi, dans le cinéma de John Boorman, l'homme semble constamment écartelé entre nature et civilisation.
Avançant à marche forcée, mais ne pouvant s'empêcher de se retourner ... continuellement, saisi par la beauté et la violence d'un monde ancien qu'il enterre un peu plus à chaque pas en avant.
John Boorman n'a eu de cesse de replacer ses personnages dans cette nature à laquelle ils ont tourné le dos il y a bien longtemps, et qui leur semble désormais hostile et étrangère tout en éveillant progressivement chez eux un sentiment quasi-érotique, une attraction et un désir de fusion à son égard.
A son contact violent, les hommes changent, d'abord contraints puis envoutés par cette renaissance qui leur est offerte.
Citons Duel dans le Pacifique, La Forêt d'émeraude, Excalibur, Délivrance mais aussi de manière moins évidente La Guerre à sept ans ou Le Général ... ces deux films s'ils ne racontent pas de manière directe cette confrontation brutale, adoptent le point de vue presque déviant de héros en marge de la société : Bill, jeune londonien pour qui les ruines des bombardements de la seconde guerre mondiale deviennent un terrain de jeu géant ou Martin Cahill, bandit malicieux qui vit en dehors de toutes les normes en rigueur, pourchassé de toute part car trop libre. Ces deux personnages se distinguent du reste de leur entourage car non (encore) formatés par la société.

Chez Wolfgang Petersen, si l'on retrouve la relation à la nature, cette dernière se révèle rapidement bien trop écrasante et supérieure ... dans bon nombre de ses films, Petersen décrit des naufragés : Le Bateau, Enemy, En Pleine tempête, Poséidon.
Les personnages sont ici confrontés à une force qui leur est supérieure en tout, livrés à eux-mêmes et réduits à subir ses assauts, nus car isolés du reste d'une humanité au pire arrogante, au mieux inconsciente.
Il convient cependant de reconnaître que la nature ne joue pas chez Petersen le rôle primordial qu'elle occupe chez Boorman, elle fait ici plus office d'isolant, permettant ainsi de faire ressortir les différentes facettes de l'être humain mis en présence de la fatalité d'une situation extrême.

Ces deux univers cinématographiques se croisent l'espace de deux films précédemment cités : Duel dans le Pacifique, pur chef d'œuvre de Boorman et Enemy de Petersen, qui prend d'abord l'apparence d'un parfait remake de Duel dans le Pacifique pour mieux s'en éloigner plus tard.
Les deux prennent pour cadre une guerre ; la seconde guerre mondiale pour Duel dans le Pacifique, et une guerre inter-planétaire entre humains et dracs, une race extra-terrestre dans Enemy et font se rencontrer deux pilotes de chasse ennemis, écrasés sur une île / planète déserte.
La tension dramatique se tisse dans ce contraste entre d'un côté ce choc culturel, cette barrière des langues qui force les malentendus et la méfiance et de l'autre la nécessité de s'entraider pour survivre dans un environnement inhospitalier, mais surtout le besoin de l'autre sans qui la survie serait un non-sens.
Dans Duel dans le Pacifique, les deux pilotes, japonais (Toshiro Mifune) et américain (Lee Marvin), sans jamais comprendre la langue de l'autre, réussissent à s'entendre et s'extirper de l'île en construisant un radeau.
Atterrissant dans un camps abandonné, les deux personnages voient leur unité disparaître en même temps que ressurgissent les réalités de la guerre et l'antagonisme de leurs sociétés respectives.
Si dans la fin imposée par les producteurs les deux personnages meurent dans un bombardement, Boorman voulait sceller cette incompréhension retrouvée en les laissant brouillés l'un avec l'autre, chacun partant de son côté.
A contrario, dans Enemy, l'humain (Denis Quaid) et le drac (Louis Gosset Jr) apprendront la langue de l'autre, et dans une temporalité qui éclate en même temps que les aprioris, on verra le pilote drac mourir en donnant naissance à un enfant, que l'humain se chargera d'élever puis de secourir lorsque celui-ci sera capturé par des humains.
Si la cohérence et le génie sont du côté de Boorman, pour qui la nature permet de révéler chez l'homme ce que la société s'évertue à gommer, le film de Petersen n'en reste pas moins une agréable curiosité, peut-être naïve dans son propos mais offrant en même temps qu'un hommage appuyé, un joli pied-de-nez à son modèle.

Le dernier plan du dernier film (en cours)

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