Le fake, un nouveau modèle de fiction

La révolution narrative de la fiction sur internet ne se trouve pas dans les web-séries que certaines chaînes télé essayent de vendre maladroitement, tentant avec un manque d'imagination affligeant de transposer un format télévisuel sur le net, à l'image d'un enfant qui s'acharne à faire rentrer la forme carrée dans le trou triangulaire.

La différence entre la réalité et la fiction est ténue sur le net, comme les journalistes "classiques" ne cessent de le souligner de manière alarmiste ; cachant mal un réflexe de protection corporatiste face à ce nouveau média qu'ils perçoivent souvent comme un concurrent.

Le fake sur internet, dernier stade en date de la fiction ... le ressort narratif y est des plus sophistiqué et consiste en un contournement du principe de Suspension consentie de l'incrédulité, caduc désormais ... le rapport Créateur / Spectateur s'en trouve ainsi chamboulé, le Spectateur (re)devenant victime d'une Illusion, et non plus le témoin complice et privilégié.

Le fake, dynamitage de la narration, est une des représentations les plus malignes de la fiction sur le net et de ses spécificités.
Il joue et témoigne pour ses spectateurs d'une certaine défiance face aux médias classiques ... si l'esprit critique est désormais de rigueur face à eux, il est par un effet pervers, souvent remisé au placard lors de la vision de "contre-médias".
Le fake est un appel à la vigilance, au recul nécessaire face aux images en ces temps où le spectateur peut se retrouver coincé entre Michael Moore et Fox News, où réalité et fiction fusionnent en un flot numérique ... indiscernables à nos yeux désormais ... l'interrogation dépasse le seul problème du montage, obsession des générations précédentes, pour porter sur la nature de l'image elle-même ... comment distinguer le vrai du faux dans une simple photo à l'époque du tout photoshop ?

Opportuniste et profitant de la basse définition (provisoire) des vidéos sur internet, le fake est, de par son esthétique, un symbole du nouveau spectaculaire qui se doit d'être ancré dans la réalité du moment, celle qui désormais, ne semble pouvoir être saisie sur le vif que par les caméras bas de gamme des téléphones portables.
N'est spectaculaire que ce qui a l'air véridique. Ceci se traduit dans le cinéma par une profusion de films qui continuent de montrer zombies, monstres et extra-terrestres, mais les dévoilent maintenant au travers d'images tournées caméra à l'épaule.

Le Prestige, le prix de l'illusion

Il est certains auteurs chez qui il me faut parfois attendre un film déclic avant de leur délivrer ce statut dans mon esprit, éclairant d'un coup une filmographie alors sous-estimée, incomprise ; par exemple, c'est à la vision de Bullet Ballet (1998) de Tsukamoto, que la signification de Tetsuo (1989) et Tokyo Fist (1995) m'est apparue aussi limpide qu'elle me semblait obscure auparavant.

Ma rencontre avec Christopher Nolan s'est faite aussi en deux temps ; la première vision de Memento (2000) n'avait provoqué chez moi qu'une pointe d'agacement ; levier narratif artificiel et lourd, direction d'acteur cheap ... me laissant la même impression que beaucoup de ces films à petit budget dont la seule ambition, semble de se démarquer, de faire un coup d'ordre plus mercantile que cinématographique.
Following (1998) ne m'a laissé aucun souvenir précis, si ce n'est un vague d'ennui ... et j'avais regardé paresseusement Batman Begins (2005), sans vraiment en retirer d'opinion.

C'est en découvrant Le Prestige (2006 - The Prestige), qui raconte la rivalité destructrice entre deux magiciens gangrénés par leur ambition et la haine de l'autre que mon sentiment a basculé.
Le film s'applique à montrer le déséquilibre entre l'illusion et le prix énorme à payer pour la créer ; l'illusion ne nait que du fait qu'aucun spectateur n'envisage sérieusement un tel sacrifice pour un si futile résultat.
La magie, ici symbole des arts de l'illusion en général (dont le cinéma), est désacralisée dès le départ, où l'on nous montre comment un oiseau est tué pour la réalisation d'un tour des plus modeste... mais entraînés dans une spirale haineuse, les deux magiciens sont amenés à aller beaucoup plus loin dans la démesure... l'idée centrale du film convoque Nikola Tesla, archétype du savant fou romantique (le personnage est délicieusement interprété par David Bowie), qui à la demande de l'un des deux magiciens, tente de construire une machine permettant la téléportation mais n'aboutit qu'à un appareil permettant de créer des doubles.. Le magicien commanditaire, Robert Angier (Hugh Jackman) s'en aperçoit dans un plan magnifique, déjà montré en tout début de film, mais qui n'avait alors aucune signification, et empli désormais de fatalisme.
Assoiffé de gloire et désireux plus que tout de surpasser son rival, Robert Angier va planifier la plus horrible des idées afin de permettre à la machine de Tesla de produire l'effet de téléportation recherché ; puisqu'une copie du sujet qui rentre dans la machine est bien téléportée, ne reste plus qu'à supprimer l'original pour que l'illusion opère... et d'accepter ainsi de mourir noyé (comme sa compagne en début de film, à cause d'un nœud trop serré) tous les soirs de représentation, à l'aide d'une trappe qui le fera basculer dans un bassin, tandis que son double apparaîtra de l'autre côté de la salle.

Le thème du double est ici décliné à volonté... Alfred Borden (Christian Bale) se révèlera être en fait deux jumeaux, qui endossent tour à tour le rôle du magicien, leur permettant ainsi, au prix d'une vie de mensonge, de faire un tour inimitable... Robert Angie, essayera d'abord d'utiliser un sosie, procédé trop précaire et qui l'oblige à renoncer au prestige, dernière partie du tour assurée par le sosie, avant d'aller voir Tesla ; les deux protagonistes eux-mêmes, ne sont que le reflet l'un de l'autre, leur rivalité acharnée et son déchainement sont la représentation d'une égale ambition auto-destructrice.
Le film va crescendo, et jusqu'à l'absurde, dans la description de l'anéantissement de leurs vies et des moyens utilisés par les deux magiciens pour surpasser l'autre ... allégorie amère du prix de la réussite, et faisant émerger chez moi, le sentiment d'un auteur, tout du moins celui d'un artisan élégant et lucide, sensible à certains thèmes, et qui traite avec un réalisme toujours parcouru d'une certaine mélancolie, de la folie qui guide les hommes, et qui bien souvent les perd.

The Sky Crawlers ou la damnation éternelle

The Sky Crawlers (2008) de Mamoru Oshii ne semble pas avoir eu le même retentissement que certains de ses autres films en France, cela tient sûrement en partie au fait qu'il n'a toujours pas été distribué sur grand écran.
Au delà de l'interrogation légitime que suscite cette frilosité de la part des distributeurs français (on pourrait évoquer notamment le grandiose Southland Tales (2006) de Richard Kelly qui racontait la dissolution progressive d'une nation dans la folie, et bien d'autres encore) qui veut que même des auteurs reconnus ou tout du moins prometteurs, comme peuvent l'être Oshii et Kelly ne bénéficient plus d'une sortie systématique sur grand écran, penchons-nous sur ce beau film, qui dans la lignée des Patlabor I & II, des Ghost In The Shell et d'Avalon, porte la signature d'un auteur qui ne cesse de s'interroger sur la nature de l'homme.

-Contre qui penses-tu exactement que nous nous battons ?
-Je ne sais pas. Je n'y ai ai jamais réellement pensé.

L'histoire de The Sky Crawlers se situe dans un future indistinct, envahi d'éléments rétro divers, on y fait des références à l'Europe, mais les cartes qui défilent sur les écrans de télévision ne laissent reconnaître aucun pays.
La référence esthétique majeure est à chercher du côté de la bataille d'Angleterre qui fit dire à Churchill la phrase "Jamais, dans l'histoire des guerres, un si grand nombre d'hommes n'ont dû autant à un si petit nombre", bataille qui vit, pendant l'été 1940, la Royal Air Force repousser héroïquement une Luftwaffe supérieure en nombre, au prix de lourdes pertes.
En effet, les protagonistes sont les pilotes d'une escadrille perdue dans une campagne qu'on jurerait anglaise.
Oshii ne s'attarde jamais vraiment sur le cadre de l'histoire, se contentant de distiller discrètement quelques informations par le biais des unes de journaux et des écrans de télévisions.
Cette généricité revendiquée est une des clés du film, qui lui donne son caractère universel.
Oshii cherche par le biais de cette guerre sans fin entre deux corporations, régulée et censée être un substitut pour empêcher les "vraies guerres", à englober tous les conflits auxquels se livre l'humanité.

Collégien, un professeur d'arts plastiques avait pris une heure de son cours pour nous disséquer un dessin-animé japonais, nous montrer à quel point l'animation y était pauvre, faite, il est vrai, essentiellement d'images fixes.
Mais c'est justement là l'essence de l'animation japonaise (qui ne peut être dissociée des bandes dessinées manga), ce qu'il analysait comme une faiblesse est pour moi l'identité même de cet art, qui puise sa force dans un certain minimalisme, et cherche à raconter une histoire par le biais d'une suite de tableaux fixes à la composition puissante plutôt qu'un film à 24 images dessinées par seconde qui pourrait être (grossièrement) l'idéal de l'animation occidentale (les films en image de synthèse peuvent être perçus comme un certain aboutissement de cet idéal).
La chose est particulièrement vérifiable dans The Sky Crawlers, où les personnages songeurs sont autant de statues inanimées, continuellement prostrées dans des pauses mélancoliques.
L'animation à proprement parler n'y est souvent révélée que par des éléments tels que le vent qui fait bouger les cheveux ou l'herbe, ou la fumée d'une cigarette.
Oshii dissipe un rythme lent et contemplatif, cristallise et fige le temps pour, encore une fois, nous montrer le caractère inéluctable de l'action, montrée ici comme le symbole d'un éternel recommencement.

On comprend progressivement que les participants de cette guerre ne sont pas entièrement des humains, mais des êtres artificiels créés génétiquement par les corporations en guerre, qui ne vieillissent pas, fixés à jamais dans leur corps adolescents ... attendant seulement de mourir dans les affrontements qu'offrent le conflit.
On pense à Evangelion, de par la vision d'une jeunesse condamnée dont la seule issue se trouve dans une mort violente.
On pense aussi à On achève bien les chevaux de McCoy, référence sublimée par le fait que même la délivrance dans la mort que veut offrir Kusanagi à Yûichi se trouverait tragiquement contrariée par un processus de réincarnation partielle (sans mémoire, si ce n'est résiduelle, composante majeure et essentielle de l'individu) dans un autre corps, les corporations ne pouvant se permettre de perdre l'expérience engrangée au combat.
Les personnages se trouvent ici condamnés à revivre à l'infini un combat stérile et absurde, fantômes sans passé ni futur, errant à jamais sans but, des sacrifiés sur l'autel de la bêtise humaine, puits sans fond si il en est.

Batman par Schumacher, la ville comme une projection mentale

Après les deux films d'un Tim Burton plus directeur artistique que cinéaste ; Batman (1989) et Batman, le défi (Baman returns - 1992) - c'est surtout vrai pour le premier, qui comparé avec ses films les plus récents, permet de mesurer tous les progrès réalisés quant au dynamisme de sa mise en scène, aux dépens, certainement, d'une candeur et d'une naïveté doucement anachroniques - et bien avant ceux de Christopher Nolan, Batman Begins (2005) et The Dark Knight (2008), ancrés dans un réalisme post-11 septembre et mondialisé, décrivant un Batman symbole d'une Amérique sécuritaire et usant d'ingérence, se trouvent les deux films de Joel Schumacher, réalisateur à la filmographie chaotique, tant dans les thèmes abordés que dans la réussite artistique des œuvres qui la composent ... difficile d'y discerner une identité claire, concept sur lequel les cinéphiles aiment à se reposer, parfois paresseusement.

Avec Batman Forever (1995) et Batman & Robin (1997), les vœux des dirigeants de la Warner qui jugent les films de Tim Burton trop sombres, se trouvent exaucés au-delà de leurs attentes.
Les deux films, bariolés à l'excès, penchent très fortement du côté de la série pop des années soixante ; à un Batman/Bruce Wayne (Val Kilmer puis George Clooney) fade, tiède et aseptisé, à l'idéologie sotte ("les humains d'abord" répond-il au docteur Isley/Poison Ivy qui tente de le convaincre de la nécessité de sauver la planète d'un désastre écologique), armé de gadgets ridicules et flanqué de son acolyte propret Robin, s'opposent des méchants hauts en couleurs ; Double Face, l'Homme Mystère (ce dernier est d'ailleurs interprété par un Jim Carrey cabot comme jamais) puis Mister Freeze et Poison Ivy ... la direction d'acteur rappelle d'ailleurs celle plus théâtrale d'une époque révolue.

La ville de Gotham City, assemblage baroque et désordonné d'esthétiques monumentales, explose sous les couleurs criardes, tapissée des tons roses-orangés de Double Face, du vert de l'homme Mystère et d'Ivy et du bleu de Freeze, et est montrée comme un lieu décadent et perverti, emplie de bandes de jeunes criminels aux tenues fluorescentes et d'une classe dirigeante qui affiche un luxe racoleur lors de soirées débridées qui rappellent l'insouciance des années folles.
Cette ville-patchwork peut être vue comme une projection de la vision déformée et malade qu'a Batman/Bruce Wayne de la société, une société qui l'effraie et à laquelle il n'appartient pas, retranché dans le havre tranquille du manoir Wayne ... une plèbe puante et dégénérée qu'il tente désespérément de sauver de la folie qui la contamine, essayant de sauvegarder les vestiges d'un monde bourgeois idéalisé, et qui déjà n'existe plus que dans sa tête.
Batman par Schumacher, c'est l'incarnation névrosée d'une élite terne, passéiste et réactionnaire, qui, à l'écart, regarde avec anxiété et fascination un monde en effervescence, qu'elle cherche à soigner sans jamais réussir à le comprendre, arguant pour cela d'un droit qui lui semble légitime.

Mission to Mars, vers l'infini et ...


J'ai déjà évoqué ici Brian De Palma et sa riche collaboration avec David Koepp dans les années 90.
De tous les réalisateurs de la fin du Nouvel Hollywood, il est sûrement le moins reconnu du grand public, reflet peut-être de sa non-émancipation du système hollywoodien et du manque de liberté artistique qui va de pair.
Peut-être aussi à cause de choix personnels plus ancrés dans un certain classicisme ; là où les autres se sont échinés à ré-inventer - avec des réussites diverses - le cinéma hollywoodien... artistiquement et/ou économiquement, et dans une volonté moindre de s'affirmer comme un auteur complet (écriture / production / réalisation) que comme un réalisateur.

Mission to Mars (2000) s'ouvre sur une scène magistrale qui moque les clichés des films de science-fiction (on croit au décollage d'une navette alors qu'il s'agit de l'allumage d'un pétard) en même temps qu'elle introduit de manière vertigineuse tous les protagonistes du film.
Dans la continuité, la scène se termine par une ellipse aussi provocatrice que touchante qui nous montre Jim McConnel (le trop rare Gary Sinise), écarté de la mission suite au décès de sa femme, mimer le premier pas sur Mars dans un bac à sable, pour nous propulser directement treize mois plus tard, occultant ainsi le moment historique en question, le tout sur une jolie partition de Morricone.

De par la proximité de la thématique, Mission to Mars entretient un rapport presque œdipien avec 2001 : L'Odyssée de L'espace, fait de soubresauts allant de la relecture amoureuse à l'opposition ; en témoigne cette séquence où l'équipe sur Mars souhaite par vidéo interposée un joyeux anniversaire à McConnel et qui fait directement écho à celle où les parents de Frank Poole faisaient de même... scène ici dramatiquement relevée par un montage en parallèle qui nous montre cette même équipe découvrant le visage martien, signifiant ainsi au spectateur le décalage temporel entre les communications Terre-Mars et l'isolement qui en découle.
Une fois la mission de secours engagée, on assiste à une scène dans le module circulaire de gravité artificielle du vaisseau spatial, version rock'n roll de celle de 2001, mais qui se poursuit cette fois-ci par une danse amoureuse en apesanteur, là où l'astronaute-machine de Kubrick n'en finissait pas de courir à la même allure monotone, non sans évoquer un hamster dans sa roue. Une scène précédente, plus anodine jouait aussi sur ce décalage entre le couple léger chez De Palma et l'astronaute solitaire de Kubrick ; celle où Woody et Terrie testent tout en plaisantant les circuits d'une carte électronique.
Et c'est là la principale différence entre les deux films, quand Kubrick analyse avec force hauteur et distance les rapports entre Créateur et Créature à travers la "trinité" formée par un dieu théorique, l'homme et la machine dans une œuvre qui vise à dépasser le simple cadre du cinéma, De Palma, avec modestie et une certaine idée du cinéma, décide de se situer beaucoup plus près de ses protagonistes.
Dans la dernière séquence jugée ridicule par certains, il fait le choix de poser un visage sur la race extraterrestre là où Kubrick optait pour une vision abstraite et symbolique. Ultime pied de nez à 2001, on semble d'abord voir un monolithe noir apparaître à l'intérieur du visage, mais celui-ci s'anime d'une image comme une toile de cinéma. Image qui prend ensuite du volume pour finir par englober les astronautes spectateurs.

Au monolithe kubrickien, De Palma oppose son visage martien et à travers le personnage endeuillé de Jim McConnel évoque à sa manière le cycle de la vie ; traversé de morts et de renaissances : en pénétrant dans le visage puis dans le vaisseau (tous deux d'une blancheur virginale, immaculée), il devient la graine inséminatrice, déclencheur de sa propre renaissance. Le début de la gestation est montré par l'enveloppement progressif de McDonnel dans un liquide, comme un embryon qui baigne dans le liquide amniotique.

De toutes, ma préférée



Il lui tend la main, le tire du vide pour le ramener jusqu'au toit, l'autre est tout étonné, craintif.
Ça ne servirait plus à rien.
Et puis ... toute vie est précieuse, même celle-là.
Foutu pour lui, la seule chose qu'il lui reste à faire c'est transmettre, raconter ... partager un peu ... pour peut-être vivre un temps encore au travers de celui qui l'a traqué sans relâche, et qui reste maintenant prostré contre le mur du toit de l'immeuble, la pluie éternelle de Los Angeles perlant sur son visage ensanglanté ... ne pas disparaître totalement dans ce néant qu'il ne peut plus fuir désormais.

J'ai vu tant de choses que vous humains, ne pourriez pas croire.
J'ai vu de grands navires en feu surgissant de l'épaule d'Orion.
J'ai vu des rayons fabuleux, des rayons C,
briller dans l'ombre de la porte de Tannhauser.
Tous ces moments se perdront dans l'oubli, comme les larmes dans la pluie.
Il est temps de mourir.


L'autre réalise ... comme dans Le Troisième Homme, qu'il n'a jamais été le héros de cette histoire pourtant centrée sur lui ... au contraire ... le moteur peut-être ... un simple rouage mécanique en fait ... mercenaire sans convictions, sans pensées propres, un professionnel consciencieux traquant des êtres vivants condamnés à mort pour avoir voulu s'émanciper et prolonger leur trop courte existence ... par tous les moyens, fussent-ils aussi désespérés que de retourner sur cette planète hostile. Une merde finalement ce blade runner ... dont la vie n'a aucune saveur, aucune finalité et si peu de sens par rapport à toutes celles qu'il vient de supprimer. Un soudard à la solde des puissants, simple outil destructeur entre leurs mains.

Une inversion des valeurs... Maintenant, un peu effrayé quand même ... cette image qu'il perçoit de lui-même ... celle d'une humanité grouillante qui s'entasse dans ces villes verticales où le soleil ne perce plus, caché par les nuages et les grattes-ciels ... nuit infinie éclairée des seuls écrans de publicité ... il se demande ce qui le sépare réellement de ce corps artificiel inanimé devant lui ... et si en fin de compte, il n'était pas lui aussi qu'une poupée, à peine plus sophistiquée que les autres, une illusion qui ne bernerait qu'elle-même ?

Kubrick disait ne pas aimer le film ... trouvant incohérent qu'on s'acharne à chasser les réplicants alors qu'il n'y a aucun véritable moyen de les distinguer des êtres humains ... comme si, à travers sa filmographie, il s'était toujours évertué à montrer la cohérence chez l'homme ... je préfère mettre ça sur le compte de la jalousie.
D'ailleurs, quand la Warner décida de massacrer un montage jugé trop sombre (on en est à six versions différentes aujourd'hui) par des focus groups formés de bataillons de geeks fans de Star Wars, déconcertés de retrouver Harrison Ford dans un tel rôle, elle y inséra des chutes de Shinning.