Mission to Mars, vers l'infini et ...


J'ai déjà évoqué ici Brian De Palma et sa riche collaboration avec David Koepp dans les années 90.
De tous les réalisateurs de la fin du Nouvel Hollywood, il est sûrement le moins reconnu du grand public, reflet peut-être de sa non-émancipation du système hollywoodien et du manque de liberté artistique qui va de pair.
Peut-être aussi à cause de choix personnels plus ancrés dans un certain classicisme ; là où les autres se sont échinés à ré-inventer - avec des réussites diverses - le cinéma hollywoodien... artistiquement et/ou économiquement, et dans une volonté moindre de s'affirmer comme un auteur complet (écriture / production / réalisation) que comme un réalisateur.

Mission to Mars (2000) s'ouvre sur une scène magistrale qui moque les clichés des films de science-fiction (on croit au décollage d'une navette alors qu'il s'agit de l'allumage d'un pétard) en même temps qu'elle introduit de manière vertigineuse tous les protagonistes du film.
Dans la continuité, la scène se termine par une ellipse aussi provocatrice que touchante qui nous montre Jim McConnel (le trop rare Gary Sinise), écarté de la mission suite au décès de sa femme, mimer le premier pas sur Mars dans un bac à sable, pour nous propulser directement treize mois plus tard, occultant ainsi le moment historique en question, le tout sur une jolie partition de Morricone.

De par la proximité de la thématique, Mission to Mars entretient un rapport presque œdipien avec 2001 : L'Odyssée de L'espace, fait de soubresauts allant de la relecture amoureuse à l'opposition ; en témoigne cette séquence où l'équipe sur Mars souhaite par vidéo interposée un joyeux anniversaire à McConnel et qui fait directement écho à celle où les parents de Frank Poole faisaient de même... scène ici dramatiquement relevée par un montage en parallèle qui nous montre cette même équipe découvrant le visage martien, signifiant ainsi au spectateur le décalage temporel entre les communications Terre-Mars et l'isolement qui en découle.
Une fois la mission de secours engagée, on assiste à une scène dans le module circulaire de gravité artificielle du vaisseau spatial, version rock'n roll de celle de 2001, mais qui se poursuit cette fois-ci par une danse amoureuse en apesanteur, là où l'astronaute-machine de Kubrick n'en finissait pas de courir à la même allure monotone, non sans évoquer un hamster dans sa roue. Une scène précédente, plus anodine jouait aussi sur ce décalage entre le couple léger chez De Palma et l'astronaute solitaire de Kubrick ; celle où Woody et Terrie testent tout en plaisantant les circuits d'une carte électronique.
Et c'est là la principale différence entre les deux films, quand Kubrick analyse avec force hauteur et distance les rapports entre Créateur et Créature à travers la "trinité" formée par un dieu théorique, l'homme et la machine dans une œuvre qui vise à dépasser le simple cadre du cinéma, De Palma, avec modestie et une certaine idée du cinéma, décide de se situer beaucoup plus près de ses protagonistes.
Dans la dernière séquence jugée ridicule par certains, il fait le choix de poser un visage sur la race extraterrestre là où Kubrick optait pour une vision abstraite et symbolique. Ultime pied de nez à 2001, on semble d'abord voir un monolithe noir apparaître à l'intérieur du visage, mais celui-ci s'anime d'une image comme une toile de cinéma. Image qui prend ensuite du volume pour finir par englober les astronautes spectateurs.

Au monolithe kubrickien, De Palma oppose son visage martien et à travers le personnage endeuillé de Jim McConnel évoque à sa manière le cycle de la vie ; traversé de morts et de renaissances : en pénétrant dans le visage puis dans le vaisseau (tous deux d'une blancheur virginale, immaculée), il devient la graine inséminatrice, déclencheur de sa propre renaissance. Le début de la gestation est montré par l'enveloppement progressif de McDonnel dans un liquide, comme un embryon qui baigne dans le liquide amniotique.