Cérémonie des oscars 2002, Denzel Washington, en concurrence notamment avec Will Smith, est le premier afro-américain à recevoir l'oscar du meilleur acteur pour son rôle dans Training Day d'Antoine Fuqua.
Sa récompense, méritée, est un peu dépréciée par le fait que lors de la même édition, la tiède Halle Berry est elle aussi la première afro-américaine lauréate de l'oscar de la meilleure actrice... comme si plutôt qu'une récompense individuelle venant sanctionner le talent d'un comédien, il s'agissait plutôt de l'expiation collective de l'industrie hollywoodienne vis-à-vis d'une communauté dont le traitement cinématographique au cours du XXe siècle fut des plus ambigus... dernière petite humiliation d'une longue série... la discrimination positive laisse souvent un goût amer dans la bouche.
Trois ans plus tard, Tom Cruise, un des acteurs les plus talentueux de sa génération mais souvent décrié pour des raisons qui n'ont pas grand rapport avec le cinéma, ne sera même pas nominé pour son rôle dans le film de Michael Mann, Collateral.
Ces films semblent être les deux faces d'une même pièce... Une même tragédie qui se déroule tous les jours dans le même théâtre, Los Angeles, une ville qui ne dort jamais et que Vincent (Tom Cruise), le tueur professionnel de Collateral décrit comme trop étendue et tentaculaire.
Utilisant une temporalité très courte, une journée pour Training Day et une nuit pour Collateral, Fuqua et Mann font se confronter deux figures opposées sous la forme d'un long dialogue entre eux tout en parcourant l'immensité de la ville en voiture.
C'est lors de cette journée initiatique que va s'opérer un basculement chez les deux héros naïfs que sont Jake Hoyt (Ethan Hawke) jeune policer idéaliste qui vient juste d'intégrer la brigade des stupéfiants de Los Angeles et Max, chauffeur de taxi rêveur mais incapable d'agir pour s'extraire de la médiocrité de son quotidien.
La leçon, ils la recevront de la part de deux personnages désabusées, figures tutélaires cruelles et dures mais dont la soif de transmettre transparaît, l'implacable tueur Vincent et le calculateur Alonzo Harris (Denzel Washington), flic pourri qui court désespérément après un million de dollars afin de sauver sa tête.
À travers les déambulations dans Los Angeles, véritable troisième personnage, qui synthétise tous les dangers potentiels et l'hostilité du monde extérieur, les étapes s'enchaînent comme autant d'opportunités de mettre en application les leçons et discussions menées dans la voiture, qui dans un huis-clos morcelé, isole le duo du reste de la cité lors de ces joutes verbales où le lien se construit et évolue constamment.
Afin de grandir, de dépasser leurs conditions, Max et Hoyt devront affronter ces deux incarnations perverties de la figure paternelle que sont Vincent et Alonzo... d'abord dans les paroles puis dans les actes, forcés petit-à-petit de reproduire et d'adopter leurs attitudes [dans une des scènes de Collateral, Vincent force Max à répéter mot pour mot ce qu'il dit à son patron qui le menace par radio, il le menotte ensuite à son taxi à l'image d'un oisillon contraint de rester dans son nid. Dans une scène suivante, Max doit se faire passer pour Vincent dans un bar afin de récupérer les informations égarées sur les cibles restantes, Vincent lui ordonne alors de sortir du taxi... c'est là le véritable envol de Max qui doit imiter la figure paternelle, comme l'oisillon imite ses parents pour s'envoler].
Au fur et à mesure de la confrontation, le rapport de force s'inverse petit-à-petit.
Encore une fois à la manière d'un père vieillissant, les failles de Vincent et Alonzo commencent à percer, ils paraissent à chaque scène plus humains sous le regard de Max et Hoyt, qui dans des trajectoires inversées s'endurcissent.
L'émancipation et le dépassement de soi se fera dans le sang, les deux réalisateurs s'attardant ensuite longuement sur les corps de Vincent et Alonzo, figés en des postures pathétiques, dépouillés de toute leur arrogance tourmentée.
Encore une fois à la manière d'un père vieillissant, les failles de Vincent et Alonzo commencent à percer, ils paraissent à chaque scène plus humains sous le regard de Max et Hoyt, qui dans des trajectoires inversées s'endurcissent.
L'émancipation et le dépassement de soi se fera dans le sang, les deux réalisateurs s'attardant ensuite longuement sur les corps de Vincent et Alonzo, figés en des postures pathétiques, dépouillés de toute leur arrogance tourmentée.
Leur mort ne renvoie pas uniquement à une manichéenne victoire du bien contre le mal mais à l'achèvement de la transmission, à l'accomplissement de Max et Hoyt qui sortiront, non pas grandis mais transformés par cette rencontre, lavés de leur innocence ou impuissance originelles et emportant désormais avec eux et pour toujours cette part d'ombre en héritage.