Les contrebandiers

Un auteur en cinéma peut se définir succinctement par l'existence d'un tissu analytique entre toutes ou une partie de ses films ou œuvres en rapport avec le cinéma.
C'est aux personnes réfléchissant sur le cinéma qu'il convient de mettre en relief ce lien, cette redondance dans le discours qu'on pourrait éclater en de multiples composantes ; esthétiques, narratives, thématiques, ...
Toutes semblent - à des degrés divers - nécessaires mais pas suffisantes ... le formalisme semble aussi essentiel dans le cinéma qu'un parti pris plus fondamental ... sans qu'on parle forcément de style, paravent sous lequel aime bien s'abriter le critique ... on parlera plus d'une maîtrise ou d'une conscience de la grammaire cinématographique et de ses spécificités par rapport à d'autres grammaires visuelles ou narratives.
Ainsi au cinéma, le statut d'auteur découle d'une relation multilatérale qui s'établit d'une part entre un cinéaste au sens le plus large possible et ses créations et d'autre part le spectateur.

Le tout n'est pas sans effets pervers, puisque dès lors que ce lien est établit, il offre souvent un angle de vue limité et même tronqué si l'on s'en contente.
Le statut d'auteur ne doit pas être considéré comme un facteur discriminant permettant de délimiter distinctement deux catégories qu'on définirait grossièrement comme étant d'un côté des artistes et de l'autre des techniciens ou artisans, comme le fait Louis Delluc en définissant le terme de "cinéaste", notion préfigurant déjà celle plus tardive d'"auteur".
En effet de par ses mécanismes de création, pluriels et industriels, ses impératifs commerciaux, le cinéma peut difficilement se contenter d'être observé sous ce seul spectre, tant il semble assujettie à de nombreuses contraintes (principalement d'ordre artistique ou financier) qui vont en quelque sorte modeler voire bruiter le discours en amont des divers protagonistes à l'élaboration d'un film.
Échappant à ce cadre, la liberté artistique et de moyens d'un auteur avéré comme Stanley Kubrick reste une exception.

Il existe à Hollywood et ailleurs, des réalisateurs, scénaristes, producteurs qui dépassent cette approche à mon goût trop rigide et théorique pour s'appliquer pleinement dans le cadre du cinéma.
Des gens qui au sein d'un système de production industrielle de médias de divertissement, essayent tant bien que mal de se réapproprier ces médias, d'y injecter des éléments qui n'appartiennent pas au cahier des charges initial ou d'en détourner d'autres, et qui aussi insignifiants soient-ils représentent un symbole de résistance interne, l'illustration d'une expression personnelle par opposition à une bouillie narrative, idéologiquement correcte, formatée et creuse, une véritable insulte au public, et qu'on ne cesse de nous resservir jusqu'à écœurement.
Plus qu'ailleurs, faire du cinéma à Hollywood est un combat (les facilités financières ne compensant en rien le manque de liberté artistique, au contraire, la contrainte de rentabilité semble encore plus alourdir le processus), plus qu'ailleurs la notion d'auteur y est fragile, mais c'est dans cette volatilité que semble s'esquisser une nouvelle forme d'expression.