News Deck

Sur la facette dégénérée du design fiction.
Il y a cette vidéo de Shepard Smith qui présente le nouveau News Deck de Fox News, irréel de par son futurisme digne d'une série B hollywoodienne.
Un futur où l'écran a pris le pas sur le reste. Si cette prédominance semble suivre la tendance actuelle, on est, dans ce cas précis, interpellé par le procédé à l'oeuvre.
Les journalistes-opérateurs ont des écrans de 50 pouces, tactiles et inclinés afin d'être manipulés plus aisément. Résidu d'une autre époque, un petit clavier accompagne encore l'écran, mais la disproportion entre les deux rend le tout incongru.
Les murs sont remplacés par des écrans géants qui diffusent des tweets, pas plus d'une poignée par écrans mais écrits en énorme. De fait, un simple basculement d'échelle par rapport à l'affichage d'un smartphone. C'est d'ailleurs le concept sous-jacent : le News Deck comme une multitude de smartphones géants. Les journalistes sont alors projetés dans ce monde démesuré pour eux, dans cette interprétation naïve et boiteuse du progrès.
On pense aussi à la new aesthetic de James Bridle, une invasion de l'esthétique numérique dans le monde réel, avec ici comme seul référentiel, une science-fiction délavée.
L'inutilité de certains éléments est criante ; la wiimote qui sert à faire défiler d'énormes images sur un carrousel géant sur les murs du Deck. Ce qui se voudrait comme un symbole de l'agitation constante du monde projetée sous forme interactive aux journalistes littéralement entourés par ce flux d'images, n'est en fait qu'une pénible installation au bénéfice nul.
On voit là les limites et l'absurdité de cette pregnance de l'image. Si le procédé s'avère efficace au cinéma, c'est parce que dans ce contexte, seuls comptent les qualités esthétiques et l'effet dramatique.
En s'inspirant du cinéma, Fox News a construit un Desk à la dramaturgie incontestable mais à la plus value journalistique plus que contestable.

Fox News est, depuis sa création, une chaîne pour qui le spectaculaire a pris le pas sur l'information. Mais avec ce nouveau deck, ersatz du poste de pilotage de la série Star Trek, la fictionnalisation à l'oeuvre ne se cantonne plus au seul cadre visible par le spectateur mais contamine désormais le reste de la chaîne, victime de sa propre mise en scène.