Peter Weir ou la difficile émergence de l'individu

Cinéaste rare, l'australien Peter Weir a axé une partie de sa filmographie sur le thème de la construction d'individualités au sein d'une collectivité souvent décrite comme un carcan pesant.
C'est à travers cette opposition, cet écartèlement entre aspirations personnelles et contraintes sociales que Peter Weir raconte les personnages qu'il filme.




Dead Poets Society (1989)
L'étouffant cadre d'un collège anglais ... comment un individu doit grandir en supportant le poids du passé et des conventions qu'il a générées.
Le passé et sa résultante, la société, sont symbolisés par les parents des élèves et les membres du corps enseignants qui formatent ces jeunes afin de les faire se conformer à un modèle rigide, une éducation inflexible qui laisse peu de place à l'épanouissement personnel ... quitte à, au passage, en briser quelques uns ... ainsi le jeune Neil Perry Robert (Robert Sean Leonard) préfèrera se suicider plutôt que de suivre la voie que son père a autoritairement tracée pour lui.




The Truman Show (1998)
Au-delà de notre rapport au spectacle, le film dépeint la relation paranoïaque de l'individu face à son entourage.
La collectivité est ici montrée comme un manège absurde et angoissant, un cirque réglé comme une horloge par d'invisibles puissants qui jouent à Dieu derrière des écrans de contrôle, une prison fermée qui tente par tous les moyens d'empêcher tout individu de s'en extraire ; d'après un scénario mélancolique d'Andrew Niccol, l'action prend d'ailleurs place dans un cadre clos, une île qui n'est en fait qu'un studio géant.




Master and Commander : The Far Side of the world (2003)
Ici, une collectivité hiérarchisée à l'extrême.
Film théorique, où chacun doit agir en fonction de sa place dans cette mini-société.
Tous sont interdépendants, entremêlés dans ces cordages ... symboliquement, une scène montre le capitaine Jack Aubrey (Russell Crowe) contraint de trancher le cordage d'un mât cassé, seul lien qui le retient au bateau et qui menace de le faire sombrer, sacrifiant ainsi un de ses hommes resté accroché.
C'est dans ces liens qui enchaînent chaque individu au reste de l'équipage, ce rapport contraint à l'autre qu'il faut chercher la nature véritable des relations à bord du voilier ... comme des rouages pas naturellement adaptés les uns aux autres et qui pour s'ajuster, en s'emboîtant, en viennent à broyer certains. Comme l'aspirant Hollom (Lee Ingleby), véritablement forcé de se suicider sous la pression de l'équipage ... une variable d'ajustement, sacrifiée pour le bien de tous.
Ainsi, après sa mort, le vent qui fuyait le bateau se remet à souffler sur les voiles.